Le camp de concentration de Wöbbelin, camp annexe ou kommando extérieur du camp de Neuengamme, a été en service du 12 février au 2 mai 1945.
Fin mars 1945, il compte 648 détenus. A partir de mi-avril, alors que les Alliés progressent, il reçoit plus de 4 000 prisonniers provenant essentiellement des autres camps annexes de Neuengamme, notamment Fallersleben, mais aussi de Ravensbrück.
Les conditions de détention y sont effroyables. Des 5000 détenus d’au moins 25 nationalités, dont de nombreux Français, plus d’un millier vont y mourir d’épuisement, de faim ou en raison des mauvais traitements subis.
Fin avril, des unités de la 82ème division aéroportée et de la 8ème division d’infanterie américaines approchent. Le 1er mai, les gardes rassemblent les détenus en état de marcher. Une lamentable colonne s’ébranle et prend la direction de Schwerin au nord. Environ 3500 déportés très affaiblis sont laissés sur place au milieu de 500 cadavres entassés dans les bâtiments ou gisant à même le sol partout dans le camp. Le 2 mai 1945 au matin, les derniers gardes s’enfuient. Le même jour, en début d’après-midi les premiers soldats américains se présentent devant l’entrée du camp.
Dans les jours et les semaines qui suivent, les détenus malades sont évacués dans des infirmeries américaines ou dans les hôpitaux de Ludwigslust (Mecklenburg-Vorpommern), la ville la plus proche. Nombreux sont ceux qui, trop affaiblis, y meurent d’épuisement. Parmi les centaines de victimes, au moins 58 Français ont été formellement identifiés, dont 16 reposent encore aujourd’hui dans le cimetière de Ludwigslust. Quatre-vingt ans plus tard, leur calvaire et leur sacrifice ne sont pas oubliés.
Le 10 mai 2025, une cérémonie d’hommage a été organisée dans le cimetière de Ludwigslust par le Souvenir Français en Allemagne. Elle avait pour objet d’honorer la mémoire des résistants et déportés français morts pour la France dans le camp de concentration de Wöbbelin et à Ludwigslust.
Elle s’est notamment déroulée en présence des autorités civiles et militaires suivantes :
- général (2s) François Sommerlat, délégué général du Souvenir Français en Allemagne ;
- M. Julien Acquatella, CIVS, responsable de l’antenne de Berlin ;
- Mme Solenn Meslay, adjointe au maire en charge du tourisme et de l'économie - référente "Europe" de Plouër-sur-Rance (Côtes-d’Armor)
- Mme Jacqueline Bernhardt, ministre de la justice, de l’égalité et des droits des consommateurs du Land du Mecklenburg-Vorpommern ;
- M. Stefan Sternberg, Landrat de l’arrondissement de Ludwigslust-Parchim ;
- M. Stefan Pinnow, Bürgermeister de Ludwigslust ;
- colonel Henri Lambaré, délégué régional du Souvenir Français pour le Mecklenburg-Vorpommern ;
- colonel Bernard Guibert, attaché de défense adjoint Air et représentant de l’attaché de défense ;
- capitaine de frégate Matthieu Leonelli, attaché de défense adjoint Marine et représentant de l’attaché de défense ;
- colonel Seven de Kerros, officier de liaison interarmées auprès de la Führungsakademie der Bundeswehr ;
- Mme Dr. Margret Seemann, vice-présidente du Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge e.V., Landesverband Mecklenburg-Vorpommern
- Mme Anja Pinnau, directrice du Mahn- und Gedenkstätten Wöbbelin.
Cinq élèves-officiers français et allemands en formation à l’université de la Bundeswehr de Hambourg dans le cadre d’un programme d’échange franco-allemand, avaient également été invités à participer à la cérémonie.
Enfin, des membres de la famille de M. Fulvio Castaldi, résistant et déporté français mort pour la France à Ludwigslust le 17 mai 1945, avaient fait le déplacement depuis la région parisienne.
Ce fut une cérémonie pleine d’émotions.
S’exprimant au nom de l’ambassadeur de France, M. Julien Acquatella, a rappelé que « la mémoire du 8 mai 1945 éclaire aujourd’hui l’état du monde et nous fait comprendre que ce nous pensons certain et garanti – la paix, la démocratie, l’État de droit – sont en réalité des acquis fragiles et effaçables, qu’il faut défendre sans hésitation. Il s’agit là d’un enjeu existentiel »
Mme Jacqueline Bernhardt, ministre de la justice du Land du Mecklenburg-Vorpommern, a pour sa part évoqué les responsabilités qui découlent du devoir de mémoire et de la réconciliation franco-allemande.
« Les horreurs des camps de concentration, les souffrances inimaginables et la déshumanisation auxquelles les nazis se sont systématiquement livrés nous pétrifient. Mais elles nous engagent en même temps à assumer la responsabilité de la mémoire, de l’assimilation et de la garantie d’un avenir dans lequel de tels crimes ne puissent plus jamais se reproduire.
La relation qui s’est tissée entre la France et l’Allemagne à partir de cette histoire douloureuse est particulièrement émouvante. La rivalité a fait place à la réconciliation, des souffrances est née l’opportunité de créer une Europe commune fondée sur la paix et la coopération. Or ces acquis ne vont pas de soi. Ils doivent être préservés et retransmis, par nous et par les prochaines générations. »
Mme Anja Pinnau, la directrice du Mahn- und Gedenkstätten Wöbbelin, a enfin lancé un appel à ne jamais oublier.
"Certaines de ces victimes françaises ont été inhumées ici même, dans ce cimetière. Loin de leur patrie, loin de leur famille, mais tout près de nous par le souvenir. Ils reposent en terre allemande, comme une exhortation à ne jamais oublier ce qui est arrivé. Comme une injonction aussi, adressée à nous tous, à tirer les leçons du passé…
Il est de notre responsabilité de redonner un visage à chacune des victimes, non seulement par devoir envers l’histoire, mais également en gage de notre humanité. Chacune de ces victimes avait une vie, une famille, des espoirs. En prononçant les noms de ces hommes, en évoquant leur histoire, en rappelant leurs souffrances, nous leur rendons une part de la dignité pour laquelle ils ont eux-mêmes tant lutté en France."
Après les discours des autorités, des élèves-officiers français et allemand se sont exprimés sur le thème de la réconciliation franco-allemande.
La cérémonie s’est terminée par des dépôts de gerbe, la sonnerie aux morts et les hymnes nationaux de la République française et de la République fédérale d’Allemagne.
2 mai 1945 et 10 mai 2025, deux dates qui montrent, qu’en dépit du temps qui passe et qui en sait long sur les malheurs des hommes, le souvenir des résistants et déportés français du camp de concentration de Wöbbelin, et celui de leurs compagnons de misère et d’infortune venus de toute l’Europe, demeurent vivants.
Colonel Henri Lambaré, délégué régional du Souvenir Français pour le Land du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale